L'Invention de Paris. Il n'y a pas de pas perdus by Eric Hazan

L'Invention de Paris. Il n'y a pas de pas perdus by Eric Hazan

Auteur:Eric Hazan
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Le Seuil
Publié: 2013-06-14T16:00:00+00:00


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Comme Vaugirard et Grenelle, ou Belleville et Ménilmontant, Passy et Auteuil apparaissent aujourd’hui comme un vieux couple fusionnel. Le propre de chacun d’eux est comme noyé dans l’entité « seizième », l’ordinal le plus chargé de sens de tous les arrondissements parisiens, évoquant un univers d’abonnés au Figaro, de collèges religieux, de hameaux paradisiaques et de chefs-d’œuvre de l’Art nouveau et de l’Art déco. Il n’en a pas toujours été ainsi : au début du XXe siècle on distinguait encore un Passy élégant et un Auteuil rustique. « Auteuil est comme la campagne de Passy avec son boulevard de Montmorency, ses quais, son viaduc, son restaurant du Mouton-Blanc, curiosité historique, ancien lieu de rendez-vous de La Fontaine, de Molière et de Racine. Les gens de Passy vont à Auteuil comme les gens de la rue Étienne-Marcel vont à Brunoy le dimanche. C’est tout juste s’ils n’emportent pas leur manger28. » La frontière entre les deux était – est toujours – marquée par les parallèles des rues de l’Assomption et du Ranelagh, là où la colline de Passy vient mourir sur la plaine d’Auteuil. D’après Jacques-Émile Blanche, « la borne qui désignait la limite des deux communes était au-dessous de l’intersection des rues Raynouard et du Ranelagh, près de la rue de Boulainvilliers, au bas de ce qui fut – autant que nous le pouvons déduire – le parc de Passy29 ». Cette borne est évidemment remplacée par la Maison de la Radio.

La beauté de Passy tient surtout dans la longue descente de la place du Trocadéro à la Seine par la rue Franklin et la rue Raynouard, à travers l’ancien parc du château de Passy. Il y a là comme une tradition de luxe splendide. Quand le domaine appartenait à Samuel Bernard, le banquier de Louis XIV, on y voyait des orangeries, des serres en cristal, des volières en filigrane d’or, des grottes tapissées de verdure, des terrasses ornées de statues. Au XVIIIe siècle, le fermier général La Pouplinière y recevait Rousseau, Rameau qui fit représenter là Hippolyte et Aricie, Marmontel, et aussi Chardin et Pigalle, Mlle Clairon et le maréchal de Richelieu. Balzac, cherchant dans tout Paris un logement digne de sa Polonaise, lui écrit le 7 septembre 1845 : « Il y a rue Franklin, qui est la rue située au-dessus de cette raide montagne que nous avons si souvent montée…. une maison admirablement, solidement construite, située sur la croupe de cette roche qui domine Paris et même tout Passy…. Des quatre côtés on a la plus admirable vue ; tout Paris d’abord, puis tout le bassin de la Seine30. » Cette vue sur le fleuve, c’est celle que l’on a encore depuis les terrasses des immeubles de la rue Raynouard, où des pergolas, des statues, des jets d’eau, des parterres fleuris ornent de somptueux jardins à la mode de 1930, suspendus au-dessus du vide. La rue de l’Alboni domine la station Passy enfouie dans les marronniers et les roses, et les voies qui s’en éloignent vers le



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